samedi 27 octobre 2012

l'identité biologique Lucie


Cours constitué à partir d'un stage du PAF qui m'avait passionné. Il faut expliquer aux élèves de S et particulièrement de STLanalyse bio qu'il s'agit là d'une théorie minoritaire et donc opposée à celle qu'on leur apprend, ce qui peut donner aussi une réflexion intéressante sur les théories scientifiques même si elle est parfois houleuse...

Cours:  Peut-on se connaître?
II- 3) b- la question du moi biologique.

 

Pourquoi parler ici de l’identité biologique ?

  • >>>Peut-on définir ce que nous sommes par l’identité biologique ? Ce que nous sommes est-il inscrit dans nos gènes ?

A priori non, pourquoi ??? Nous sommes avant tout esprit et non corps. Moi = subjectivité. Identité biologique =/= identité personnelle. Et puis cela voudrait dire que nous sommes strictement déterminés par la nature pourquoi ? Tout serait inscrit en nous dès notre naissance.

 

Pourtant neurobiologie= on explique l’esprit par le cerveau autrement dit par des mécanismes naturels, physiologiques>>> Matérialisme= tout expliqué par la matière. Réduire l’esprit à la matière

>>>Lien Marx ???

 

  • Mais plutôt ici : montrer que les questions que pose l’identité biologique sont les mêmes que celles que pose l’identité personnelle :

-          Le moi est-il fixe ?

-           Le Moi est-il indépendant de l’extérieur, de l’autre.

Analogie et non ressemblance.

 

I-                  La  conception moi dans l’immunologie traditionnelle

 

Immunologie = étude du système immunitaire = la défense du moi biologique.

 

 1- LA DEFINITION

·         F.M BURNET père de l’immunologie se sert d’une définition négative pour définir le moi : Le moi c’est tout ce qui n’est pas rejeté, tout ce qui n’est pas étranger, autre. Le système immunitaire est donc le système qui permet au soi de rester soi en rejetant ce qui est étranger.

 

·         Mais qu’est ce que le soi ou le moi et qu’est-ce qui est étranger ? Est rejeté a priori tout ce qui ne possède pas le même bagage génétique que celui de l’organisme. D’où l’idée que ce qui est nous ce sont nos gènes. L’identité biologique reviendrait à l’identité génétique. Le moi biologique serait nos gènes. On a bien la définition étymologique de l’identité : être identique à soi. En effet le génome est toujours le même, même s’il peut s’exprimer différemment.

 

2- PREUVE : C’est ce que l’on voit dans le cas des allogreffes (greffes d’éléments porteurs d’un autre bagage génétique) : A chaque fois que l’on introduit dans l’organisme des cellules qui n’ont pas le même génome, elles sont rejetées.

Les greffes ne sont ainsi acceptées que pour des jumeaux homozygotes ou des autogreffes car le génome des cellules est le même.

Pourtant on pratique des allogreffes avec des donneurs qui sont histocompatibles autrement dit dont les tissus sont proches de la personne greffée mais il faut savoir que cela se fait par un traitement immunitaire qui réduit donc la réaction de l’organisme à ce qui n’est pas lui et que la plupart des greffes ne durent pour l’instant qu’une quinzaine d’années après quoi elles sont rejetées.

 

3-      PRESUPPOSES de cette conception

 Comme nous possédons ce bagage génétique dès la naissance, on en vient à penser aussi que ce qu’est un organisme existe à l’état initial. L’individu ne ferait qu’exprimer biologiquement ce qu’il est déjà à l’origine.

 

Cela voudrait dire alors :

    • qu’il y une sorte de prédestination biologique. Nous sommes ce que nous étions au départ. Donc notre identité est faite du même comme son origine étymologique l’atteste.
    • mais aussi que  ni notre environnement ni autrui n’influence notre identité et même que notre identité se définit en opposition avec autrui

On voit bien ici que l’on a exactement les mêmes présupposés sur l’identité que celle que nous avons vu en début de cours : Notre moi serait un fond fixe en opposition avec autrui.

 

II-              Les difficultés de cette théorie

 

Cette théorie laisse de côté tout un tas de phénomènes non expliqués. On verra dans le cours sur la science que l’on passe d’une hypothèse théorique à une autre lorsque les difficultés que posait la théorie précédente sont jugées trop importantes. Idem pour la théorie psychanalytique : le fait de supposer qu’il n’existe que la conscience laissait de côté toute une série de phénomènes non expliqués comme le rêve  ou l’hystérie par exemple. On a ici un modèle de l’évolution scientifique.

 

Aujourd’hui on peut dire que la définition du soi par le non soi est toujours majoritaire et c’est celle qui enseignée mais les difficultés sont fortes donc il y aura bientôt peut-être un changement de paradigme.

 

1-      Les rejets de soi

 

o   Les maladies auto-immunitaire comme la sclérose en plaque ou les cancers sont des maladies où l’organisme se met à rejeter des éléments du soi, des éléments porteurs du bagage génétique de l’individu. Les tumeurs qui sont pourtant fabriquées par le moi provoquent des réactions immunitaires.

 

o   Même dans le cas d’organismes sains, on se rend compte de plus en plus que le moi rejette le moi ne serait ce que pour évacuer les cellules qui sont en train de mourir ce serait la mort de l’organisme s’il n’en était pas ainsi !

ex :

- 98% des leucocytes qui sont sélectionnés par le thymus meurent car ils réagissent contre le soi.

- Les cellules macrophages détruisent certes des bactéries qui ne sont pas porteuses du génome mais aussi et c’est très souvent le cas (80%) des cellules du moi vieillissantes.

 

2-      La tolérance immunitaire

 

o   La tolérance du maternel : pas de réaction de la mère contre son fœtus et pourtant il n’a pas le même génome. C’est dû à une molécule (HLA-G) qui provoque un changement du système immunitaire.

 

o   Le chimérisme. Définition de la chimère. L’enfant conserve des cellules de la mère et la mère de l’enfant alors que l’un pourrait être dit étranger à l’autre. On pense que c’est à l’origine de certains cancers chez la femme.

 

 

o   Les bactéries commensales : Lorsqu’on analyse l’ensemble des cellules qui constituent notre organisme, on se rend compte que seules 10% d’entre elles sont porteuses de notre génome. 90% sont des bactéries qui ont donc un génome différent du nôtre. C’est surtout le cas dans l’intestin (qui mesure de 8 à 10 mètres d’où son importance quantitative dans notre organisme) qui est rempli de bactéries qui vont servir à la digestion. C’est la raison pour laquelle nous parlons de flore : intestinale, vaginale pour les filles … Osons en tirer la conséquence ! Ce que nous sommes est en grande partie autre, étranger, animal voire végétal, nous sommes en grande partie composés de cellules  qui ne sont pas humaines.

 

 Nous voyons donc bien que l’on ne peut en rester à la définition donnée au départ : notre moi biologique ne rejette pas systématiquement l’autre et ne conserve pas forcément ce qui est soi. On ne peut définir si facilement le soi par le rejet du non soi. Et on a même vu que cela remettait en cause l'identité de l'individu biologique mais aussi la définition de l'homme lui-même puisque nous avons en nous plus de non humain que d'humain. Serions-nous alors des monstres ?

L’autre n’est pas forcément opposé à moi.

Autrui cf aliénus en latin, qui a donné aliénation, voire le monstre alter = étranger, ce qui n’est pas humain contribue à nous faire penser que autrui est forcément un obstacle à ce que nous sommes .

 

3-      Le moi biologique n’est pas réductible aux gènes mais dépend du monde extérieur, de l’environnement.

-          On sait depuis longtemps que deux vrais jumeaux qui ne vivent pas du tout dans le même environnement par exemple un en France et un en Afrique n’auront pas le même système immunitaire (ils ne réagiront pas de la même façon à des maladies). La tolérance à l’autre sera différente, on le voit bien dans le cas de l’alimentation par exemple.

-          Les réactions que vous pouvez avoir à des maladies, des virus , des bactéries n’est pax fixe mais peut changer selon l’âge ex : les maladies infantiles que l’on a qu’une fois parce que l’on est ensuite immunisé

Donc le moi biologique n’est pas uniquement dans les gènes sinon il serait fixe et serait le même chez deux vrais jumeaux

-           On sait aussi que si l’on fait varier certains paramètres extérieurs, l’individu peut être très différent au niveau biologique: ex

·         variation de température et d’humidité donne des plantes très différentes même si elles ont le même génome ;

·          la  température peut être décisive sur le sexe de certains organismes comme certaines tortues.

·          Idem pour les abeilles ou en leur donnant à manger des choses différentes on a des reines, des ouvrières : la gelée royale

 C’est l’expression des gènes qui varie selon le milieu, les gènes vont coder des molécules différentes selon les situations et cela donnera un individu biologiquement, morphologiquement différent.

 

Donc on voit bien que le moi n’est pas fixe puisqu’il dépend en partie de l’environnement et non seulement de gènes. Or l’environnement est justement changeant, ce que nous rencontrons dans notre vie varie.

Donc on voit bien que les présupposés de la notion d’identité sont les mêmes dans le cas de l’ identité biologique et dans le cas de l’identité personnelle et ils posent tous les deux les mêmes problèmes, ces présupposés sont tous critiquables :

 

Conclusion II:

  • La conscience ne permet pas de nous connaître par ce que l’on peut se mentir à soi-même
  • On ne peut se définir sans autrui mais cela ne veut pas dire qu’autrui nous dicte ce que nous sommes (puisqu’il faut se reconnaître dans son regard).
  • Le moi lui-même est difficile à définir car :

 

-          Il n’est pas séparable de l’autre.

-           Il n’est pas si facile de séparer l’essence de l’apparence : on est aussi ce que l’on montre : sartre le garçon de café

 

·         Freud : la conscience n’est que la partie émergée de l’iceberg

C'est peut-être de là que provient notre difficulté à nous connaître. Si nous ne sommes même pas capable de définir ce que nous sommes comment alors nous connaître ? En tout cas on voit bien que l'on ne parvient pas à se connaître immédiatement par la conscience et que penser se connaître de cette manière est bien une illusion. Peut-être ne faut-il pas chercher à se connaître. Cette quête est peut-être complètement vaine.

 

III- On doit chercher à se connaître.

 

1- Pourquoi vouloir se connaître à tout prix

On peut difficilement abandonner cette quête car elle semble pour nous un devoir. L'école de Socrate, portait la sentence suivante: « connaît-toi toi même ». Pourquoi ? D'abord parce que la vérité apparaît comme une valeur suprême. Nous ne pouvons pas choisir l'illusion, l'erreur. Pourtant Nietzsche critiquait cette amour de la vérité chez Socrate qui l'a amené à choisir la vérité plutôt que la vie. La vérité doit-elle toujours être choisie par rapport à d'autres valeurs que sont le bonheur ou la justice ou la vie. Rien n'est moins sûr. Exemple: dire toujours la vérité  même si elle fait mal même si elle amène des injustices (délation). Et pour soi également on sait que la connaissance de nous même peut parfois être douloureuse: reconnaître ses défauts, ses incapacités...

Mais ce n'est peut-être pas au nom de la vérité que l'on doit se connaître mais plutôt au nom de la liberté. En effet mal se connaître c'est aussi perdre le contrôle sur soi, ne pas se maîtriser, ne pas être libre de ses actes. Ceci a évidemment des conséquences pour nous mais aussi des conséquences sur les autres.

Mais si l'on doit se connaître il faut parvenir à définir ce que l'on est.

 

 2- Revoir la définition de l'identité

 

a- à partir du moi biologique: La théorie alternative

 

 

1-      Notre moi comprend de l’autre.

 

2-      Nous ne sommes pas indépendant des autres, du monde extérieur mais au contraire : l’organisme influe sur son environnement mais aussi l’environnement influe sur l’organisme. Cela signifie que le génome est insuffisant pour définir ce que sera l’individualité biologique.

D’ailleurs

 

3-      Quel est la part d’étranger que nous avons en nous ?

Il semble bien que nous acceptons de l’autre à partir du moment où celui-ci nous apporte quelque chose et où celui-ci ne provoque pas de changements radicaux. Cette caractéristique du moi est d’ailleurs vraie pour les cellules du moi : nous nous mettons à rejeter des cellules du moi lorsque celles-ci apportent de trop gros changements : c’est le cas dans les cancers. Les bactéries commensales sont acceptées par notre organisme car elles fonctionnent en symbiose avec nous. On se rend compte de plus en plus qu’il y a des échanges permanents entre notre système immunitaire et les bactéries. La relation que les cellules porteuses de notre baguage génétique développe avec ces bactéries serait à peu près comparable aux poissons pilotes qui sont sous les requins ou les insectes qui polénisent les fleurs : chacun tire son avantage de cette coopération.

 

C’est donc un modèle interactionniste qui prend le dessus : Le moi ne pourrait être compris et défini qu’en interaction avec l’autre et son milieu.

On peut se demander pourquoi spontanément le moi a été défini par le rejet du non soi. Pourquoi penser immédiatement que je serais moi en rejetant l’autre ? N’y a-t-il pas là un préjugé xénophobe : n’est-ce pas la peur de l’étranger, la peur de l’autre, de l’immigré qui nous fait spontanément penser les choses ainsi ? Les préjugés politiques auraient ainsi une implication sur la pensée scientifique la plus majoritaire.

 

Références :

Thomas PRADEU « la mosaïque du soi : chimères en immunologie » 2009

Michel MORANGE La part des gènes.

 
Lucie CHANU
 

 

 

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Toute remarque positive ou négative est la bienvenue, mais il est inutile de solliciter des réponses pour les activités proposées !